La personne souffrant de burnout se sent vide : elle n’a plus d’émotions, plus d’énergie. Chaque appel téléphonique est vécu comme une agression. Les jours sont vécus avec lourdeur, les nuits n’apportent plus de repos réparateur. Dès le lundi matin on aimerait être vendredi. Famille, sport, amis – on n’a plus d’énergie pour toutes ces activités. Le corps et l’esprit sont fatigués.
Matthias Burisch, Professeur de psychologie à l’université de Hambourg en Allemagne est un des spécialistes du syndrome de burnout en Europe et a trouvé 130 symptômes non-spécifiques dont les personnes concernées peuvent souffrir.
Ces symptômes vont de cauchemars et d’agressions à la perte d’espoir, en passant par des tensions musculaires et la solitude.
Absence de définition générale du syndrome
Mais Burisch décrit 4 symptômes centraux : « j’en peux plus » : un épuisement émotionnel qui ne s’améliore que temporairement même pendant les vacances et les weekends.
Par ailleurs, la personne en burnout est insatisfaite de sa propre performance. Il faut mobiliser de plus en plus d’énergie pour obtenir un résultat. Tout est tellement difficile, lourd. La vie devient un peu comme faire du vélo avec une des roues bloquée.
Burisch ajoute la déshumanisation. Ces personnes développent une aversion à l’encontre de ceux avec qui ils travaillent. Par exemple les médecins envers leur patients, les enseignants envers leur élèves/étudiants. Les personnes en burnout développent aussi une aversion massive contre la situation qui les épuise tellement. Ainsi, ils se rendent souvent avec des maux de tête ou de ventre au travail.
Burisch parle du burnout comme une conséquence d’une défaillance du « muscle émotionnel » : Ce dernier est responsable pour réguler nos émotions grâce à nos pensées. Il nous permet de faire notre déclaration d’impôts même si nous n’avons pas envie, ou de diviser les tâches désagréables en petits portions gérables pour pouvoir les accomplir.
Si cette régulation émotionnelle ne se fait plus, un détail minuscule peut nous pourrir des journées entières. C’est là que nous ne parvenons plus à sortir de notre colère, de notre agacement, de notre peur.
Ce qui déclenche le burnout
Tout le monde peut souffrir de burnout. Ce dernier ne vient pas du jour au lendemain. Il se développe progressivement, parfois pendant des années. La plupart de nous connaissent au moins la phase de début. Si nous ignorons les signaux d’alerte, cela peut nous conduire à un désespoir existentiel.
Dans la dernière
phase on ne peut plus distinguer les symptômes du burnout des symptômes de la
dépression.
Selon le Dr. A Kordon, médecin chef à la clinique de Schleswig Holstein en Allemagne, le diagnostic « burnout » n’existe pas en soi. Car officiellement, le syndrome ne serait pas une maladie. Il s’agirait davantage d’un processus proche de la crise, selon Burisch. Très souvent, il s’agirait au fond d’une dépression. Mais pour les personnes concernées ce serait difficile à accepter, un « burnout » serait plus facile à accepter. C’est un mot qui ne signifie pas « mon esprit est malade », mais plutôt « voilà, j’ai trop travaillé et performé ! ».
Andreas Hiller, médecin spécialisé dans le domaine de la psychiatrie et psychothérapie et Michael Marwitz, psychologue et psychothérapeute, vont plus loin dans leur livre « Die Burnout Epidemie ». Grâce au burnout, la personne concernée obtiendrait un rôle ou statut de malade, qui légitimerait le fait de ne plus avoir à performer, mais sans toutefois être étiqueté « malade psychique ».
Des facteurs internes et externes
Des facteurs internes, externes ou une combinaison des deux peuvent conduire au burnout.
Facteurs externes : harcèlement, conflits de rôles, hiérarchies et objectifs peu clairs, pression de temps permanente, manque d’autonomie, mauvais climat dans l’entreprise.
Des évènements de vie peuvent également déclencher un burnout.
Des évènements négatifs comme une séparation / rupture sentimentale ou la mort d’un proche ainsi que la perte d’un emploi peuvent favoriser le burnout, mais aussi des évènements positifs comme la naissance d’un enfant, le premier travail après les études, une promotion (par exemple devenir chef de projet après avoir été ingénieur). Car à chaque fois que quelque chose change, nous avons des attentes, espoirs, qui peuvent être déçus. Nous investissons le nouveau projet jusqu’à ce que nous réalisions qu’il s’accompagne d’attentes nettement plus élevées pour nous mais que reconnaissance ou soutien manquent cruellement. La promotion peut aussi amener un lot de tâches, de responsabilités qui ne nous conviennent pas du tout, et qui nous éloignent de ce que nous aimons. Tout à coup on se sent piégé.
Nous ne pouvons souvent pas « laisser tomber » le job, parce que nous avons une famille à nourrir. Ou bien nous réalisons que nous avons choisi le mauvais métier et ne savons pas comment ou quoi changer.
Les déterminants : la disposition personnelle
Le fait qu’une personne développe ou pas un burnout dans telle ou telle situation dépend aussi de sa résistance au stress, de la vulnérabilité individuelle.
Burich identifie deux types : celui qui se « brûle » lui-même, qui ne met pas de limites à lui-même et ses ambitions, qui s’inflige tout. Mais comme la barre est placée trop haut, il se surmène à la fin.
Le deuxième type est peu assertif, plutôt passif, « l’usé » qui n’ose pas dire non quand il le faut, et qui se laisse dépasser par les circonstances. Il n’est pas rare que celui qui se « brûle » lui-même devient « l’usé ».
Facteur de risque : le besoin d’harmonie
Burich rencontre dans son cabinet souvent des personnes qui développent un burnout parce qu’ils portent en eux au moins une des injonctions intérieures suivantes : Sois parfait ! Tu dois être performant ! Dépêche-toi ! Sois fort ! Tu dois plaire aux autres !
De petites voix, qui nous rappellent ce que nos parents ou d’autres proches nous ont donné sur notre chemin quand nous étions enfants, pour que nous réussissions (cf. aussi l’article sur la thérapie des schémas et des modes, dans la partie « Approches »).
Si nous autorisons à ces « autorités » de nous contrôler, cela peut nous faire perdre toute joie de vie. On ne sait pas à ce stade si le burnout est un syndrome qui touche davantage les femmes ou les hommes, mais le besoin d’harmonie féminin est un facteur de risque supplémentaire.
Les professions concernées
A côté de la disposition individuelle, certains groupes de métiers sont toujours au centre de la question du burnout : des sportifs de haut niveau, des managers, à cause de l’immense pression de performance qu’ils subissent au quotidien.
Ensuite, les « créatifs » sont particulièrement touchés, tout comme les médecins, les infirmiers / personnel soignant (hôpitaux, maisons de retraite etc.), assistants sociaux.
Burich insiste néanmoins sur le fait qu’il n’y a pas de données scientifiques permettant d’affirmer que le burnout touche particulièrement certains types de métier. Des études montreraient que le syndrome peut toucher tout autant des pharmaciens que des avocats, des étudiants que des enseignants d’université, de collège etc.
Être flexible et mobile : la pression sur l’individu monte
Selon Burich, le nombre de personnes touchées a augmenté ces dernières années. Car à notre époque, notre métier ne sert pas uniquement à nous permettre de vivre, mais il est aussi l’outil de la réalisation de soi, il est le vecteur du sens dans notre vie, de notre identité – on attend énormément de notre métier aujourd’hui.
En même temps la pression augmente sur l’individu, et on constate un croissante fragilisation professionnelle. Mondialisation, chômage… il y a peu de choses qui sont fiables, durables. Il faut être flexible, rapide, mobile… et content de pouvoir travailler chez la filiale « outsourcée » dans des conditions lamentables.
Dans la vie privée, la seule constante est l’instabilité : l’homme ou la femme d’aujourd’hui seront-il là encore demain ? De quoi peut-on être sûr ? Être remplaçable dans tous les domaines de la vie est très épuisant.
Le premier pas du retour à la vie : la clarté par la prise de recul
Il n’y a pas de recette universelle pour retrouver le goût de la vie. Un premier pas important est de sortir de la situation actuelle. Des vacances ou un arrêt maladie permettent au moins une prise de distance par rapport à la situation de crise.
Burisch recommande de manière générale : réfléchir et ne pas rester seul. Peu importe si on cherche de l’aide professionnelle (psychologue etc.) ou si on parle avec son partenaire, il s’agit de sortir de la confusion du « quelque chose ne va pas ici », et de trouver la problématique individuelle. Et on peut tout à fait arriver à la conclusion « il faut que je sorte de là ». Il y a presque toujours une issue. Mais souvent, il faut d’abord éveiller à nouveau sa créativité pour le voir.
Les 7 stades du burnout
1. Enthousiasme et idéalisme
Nous sommes impliqués dans notre nouvelle tâche avec enthousiasme, mobilisons beaucoup d’énergie pour réussir. Ce qui est déterminant ce n’est pas le niveau d’énergie déployé mais comment nous nous sentons. Si nous réussissons, et recevons de la reconnaissance, nous pouvons rester à ce niveau d’implication pendant des années. Mais si nous échouons ou si nos performances ne sont pas reconnues, et le travail est plus monotone que nous pensions, nous pouvons développer une aversion importante.
2. Licenciement intérieur
L’engagement baisse, nous nous investissons moins, nous nous retirons de nos collèges. Nous ne faisons plus que le nécessaire, comptent les semaines jusqu’au vacances, revivons seulement après le travail.
3. La recherche du coupable
Si le job ne tient pas ses promesses, nous pouvons trouver des réponses qui nous rendent dépressives, si nous cherchons l’erreur chez nous. Ou alors nous attribuons la faute aux autres, par exemple notre chef, qui n’a pas su reconnaitre nos capacités, ou notre collègue, qui se met en avant à nos dépens… Cela nous rend plutôt agressif.
4. La descente commence
La motivation disparaît, on commence à faire des erreurs. Nous ne faisons plus que le minimum, évitent les expérimentations, préférons rester dans nos habitudes.
5. L’esprit est comme aplati
Au travail comme dans notre vie privée, nous nous permettons de moins en moins de variations émotionnelles que ce soit vers le haut ou vers le bas. Notre vécu émotionnel s’appauvrit, et avec lui, notre vie. Nous entendons ce que nous disent nos enfants, notre époux, nos amis, mais cela ne nous touche plus. Les amis se retirent, la famille nous invite à être plus présent. Cela accroit le sentiment de surmenage.
6. Le corps souffre aussi
Au plus tard à ce moment-là le corps réagit aussi à ce déséquilibre. Ulcères, maux de ventre, maladies du cœur, abus de substances (alcool, cigarettes, drogues plus ou moins douces) sont les apparitions typiques de ce stade.
7. Désespoir
A la fin, nous n’existons plus que dans le désespoir. Nous ne savons plus comment continuer. Il n’est pas rare que la personne commence à avoir des idées suicidaires à ce moment. Les symptômes de ce stade ne peuvent plus être distingués de la dépression.
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Marie Pezé sur les signaux d’alerte du burnout
Les trois signes d’alerte selon Marie Pezé : une fatigue que le repos ne résorbe plus, le recours aux substances (alcool, drogues, médicaments etc.) pour tenir, et la perte de plaisir d’aller travailler.
Liens
Questionnaire d’auto évaluation de l’épuisement professionnel (site Souffrance au travail)
Burn out syndrome ou syndrome d’épuisement professionnel : échelle MBI
(Maslach Burn Out Inventory) sachant que ce inventaire est controversé :
http://www.masef.com/scores/burnoutsyndromeechellembi.htm
Burnout partout, burnout nulle part – Café Santé Travail avec Marie Pezé sur youtube
Bibliographie
Matthias Burisch: « Das Burnout Syndrom »
Andreas Hiller, Michael Marwitz: « Die Burnout Epidemie ».
Illustration : TheMindsJournal